dimanche 31 mai 2009
Pentecote: la fête du sans nom.
vendredi 29 mai 2009
Les fetes de la Saint Jacques 2009 à Canet
Sainte Philomène
C'est en effectuant des fouilles dans la catacombe de Priscillia à Rome le 25 mai 1802, qu'on fit la découverte de sa tombe. Trois blocs portaient l'inscription suivante en plomb rouge : "LUMENA PAXTE CUM FI", entourés par des caractères symboliques chrétiens : une palme, trois flèches, une fleur et une ancre. En modifiant l'ordre des blocs, on obtenait : "PAXTE CUM FILUMENA", soit : "La Paix soit avec toi, Philomène", ce dernier nom signifiant "Bien aimée" (du grec Phileo : aimer), ou d'après la racine latine "Fille de la lumière" (Filia luminis).
Derrière la cloison, on découvrit les ossements qu'on identifia comme étant ceux d'une jeune fille de 13 à 15 ans. Les archéologues découvrirent également, noyée dans le ciment, une petite fiole de sang à demi brisée, petit vase habituellement joint par les premiers chrétiens aux tombes des martyrs.
Philomène, jeune martyre des premiers siècles de l'ère chrétienne, était né.
Depuis, l'archéologie a conclu de façon certaine que ces ampoules dans les tombes n'indiquaient pas nécessairement le martyre, et que les sacristains du IV° siècle avaient la coutume de modifier l'ordre des pierres tombales anciennes, pour signifier que le sépulcre avait été réemployé pour une autre personne.
Sainte Philomène, vierge et martyre du 1° ou 2° siècle, n'aurait-elle donc jamais existé ?
Que penser alors de tous ces miracles liés à ses reliques, dont la guérison de Pauline Jaricot n'est pas des moindres ?
Que penser de l'attachement du curé d'Ars pour cette petite Sainte, si chère à son cœur ?
Que penser des révélations dont aurait été gratifiée en août 1833 Mère Maria Luisa de Jésus, religieuse italienne, sur la vie de Sainte Philomène (révélations qui reçurent l'Imprimatur du Saint Office le 21 décembre de la même année) ?
Il est certain que tous ceux qui se sont confiés à son intercession n'ont jamais été déçus. Nous n'essayerons pas de détailler sa vie, qui restera sans doute - et n'est-ce pas voulu par cette humble petite Sainte ? - un mystère. Nous n'exposerons ici que l'histoire de la découverte de ses reliques, et l'extraordinaire expansion d'un culte qui se répandit en l'espace de quelques années dans le monde entier.
Réponses à quelques questions…
Pourquoi ne trouve-t-on plus Sainte Philomène sur nos calendriers ?
Sa fête avait été fixée au 11 août.
En 1961, la Sacrée Congrégation des Rites a rayé cette fête du calendrier, supprimant ainsi l'Office propre avec Messe décrété le 11 janvier 1855 par le Pape Pie IX. Comme pour tous les autres Saints martyrs, on peut toujours vénérer Sainte Philomène par une Messe pour le Commun des Martyrs en tout lieu où il existe une dévotion à la Sainte.
Sa sainteté n'est-elle plus reconnue ?
Lorsqu'une personne a été déclarée Sainte, il n'est plus possible pour l'Eglise de lui retirer cette qualité. Le 13 janvier 1837, le Pape Grégoire XVI avait élevé la petite Philomène aux honneurs de l'autel, et confirmé le rescrit de la Congrégation des Rites par un décret solennel. Elle est donc bien Sainte pour l'éternité.
A-t-elle été retirée du Martyrologe romain ?
Sainte Philomène n'a jamais figuré au Martyrologe romain, qui est une liste de Saints martyrs et non la liste de tous les Saints.
" Ah ! Sainte Philomène ! Je suis bien attristé par ce que l'on écrit à son sujet. Est-ce possible de voir de telles choses ? Comment ne voient-ils pas que le grand argument en faveur du culte de Sainte Philomène, c'est le Curé d'Ars ? Par elle, en son nom, au moyen de son intercession, il a obtenu d'innombrables grâces, de continuels prodiges. Sa dévotion envers elle était bien connue de tous, il la recommandait sans cesse. On lut ce nom Filumena sur sa tombe. Que ce soit son propre nom ou qu'elle en portât un autre […] peu importe. Il reste, il est acquis que l'âme qui informait ces restes sacrés était une âme pure et sainte que l'Eglise a déclarée l'âme d'une vierge martyre. Cette âme a été si aimée de Dieu, si agréable à l'Esprit-Saint, qu'elle a obtenu les grâces les plus merveilleuses pour ceux qui eurent recours à son intercession… " Saint Pie X, audience du 6 juin 1907. |
Sainte Philomène, bref historique
C'était en mai 1802. A Rome, momentanément pacifiée, on venait de reprendre les fouilles commencées autrefois dans l'antique catacombe de sainte Priscille. Les travaux suivaient leur cours, lorsqu'un jour la pioche d'un ouvrier heurte une tombe. Aussitôt averti, Mgr Ludovici, gardien des reliques, fixe au 25 la cérémonie de l'ouverture. Il se rend, en effet, et examine. Bien simple, cette tombe. Trois tuiles en ferment l'entrée, sur lesquelles on lit : Pax tecum, Philumena. Paix à toi, Bien-aimée, car Philomène qui vient du grec, veut dire bien-aimée.
Autour de l'inscription, des symboles : une palme, trois flèches, une fleur et une ancre. Il est évident que la palme indique le triomphe du ciel, les flèches sont sans doute des instruments de supplice, la fleur est le signe de l'innocence et de la jeunesse, l'ancre celui de l'espérance éternelle. Cette tombe est donc probablement la tombe d'une sainte martyre.
Effectivement, après quelques instants de recherche, apparaît, noyée dans le ciment, la petite fiole de sang que les chrétiens prenaient dès ce temps l'habitude de joindre aux tombes des martyrs. Alors, d'une main respectueuse, le préfet enlève la cloison légère, et l'on se trouve en présence d'un corps que les hommes de l'art déclarent être celui d'une jeune fille de douze à quinze ans. Les humbles ossements sont immédiatement rassemblés, et transportés pieusement au Trésor des reliques. Ni le vénérable prélat, ni les témoins de la scène ne pensaient, en retournant à Rome, leur précieux fardeau dans les bras, qu'ils portaient l'une des plus glorieuses thaumaturges de l'Eglise. L'endroit où l'on venait de découvrir étant la plus ancienne partie de toute la catacombe de sainte Pricille, sainte Philomène, c'est aujourd'hui démontré, appartient à l'âge voisin du siècle apostolique, c'est-à-dire, au plus tard, à l'an 150 de l'ère chrétienne. Il y avait, par conséquent, dix-sept cents ans que ce frêle corps dormait sous sa couche humide, dix-sept cents ans que Dieu attendait le coup de pioche d'un fossoyeur pour faire jaillir de ce tombeau la grâce et le prodige.
II. Translation des reliques à Mugnano
Le sommeil dure pourtant trois années encore. Jusqu'en 1805, les restes de la jeune martyre résident sans honneurs au Trésor des reliques, attendant toujours l'heure de Dieu. Mais en cette année, un saint prêtre de Mugnano, aux environs de Naples, se rendit à Rome, à la suite de l'évêque de Potenza, dans le dessein d'obtenir pour son église un des corps saints trouvés aux catacombes. Ce prêtre se nommait Don François de Lucia.
Introduit, pour faire son choix, dans le Trésor des reliques, ses yeux rencontrent, sur un reliquaire, le doux nom de la sainte enfant, et aussitôt, il se sent pris d'un désir extrême de la posséder. On promet, puis on refuse ; il insiste, enfin on cède, mais il fallut les instances de puissants protecteurs. Le reliquaire est donc remis aux mains du dévot pèlerin qui l'emporte avec l'ardeur jalouse de celui qui, suivant l'expression du psalmiste, a trouvé d'opulentes dépouilles.
Partis à la fin de juin 1805, l'évêque de Potenza et Don François de Lucia suivaient à petites journées la route de Rome à Naples. Le 2 juillet, on entrait dans Naples où les voyageurs avaient des amis et des affaires. Il fallut placer le reliquaire en un lieu digne et sûr. On choisit la chapelle particulière de Don Antoine Terrès, libraire en renom. C'est là que sainte Philomène reçut les premiers honneurs.
On rangea d'abord, selon la vieille coutume italienne, les ossements chacun à sa place, dans un figuré, revêtu d'une robe blanche et d'un manteau de pourpre ; puis le tout fut enfermé dans une châsse transparente, scellée du sceau épiscopal. Aussitôt commença la vénération publique. Mais la chapelle de Terrès devint promptement trop étroite. Il fallut transporter le reliquaire dans une église voisine où, trois jours durant, il resta exposé. Il y eut un immense concours, mais on ne signala aucun miracle. Chose mystérieuse, dès que le corps rentra dans le petit oratoire d'où on l'avait tiré, les prodiges commencèrent. Le premier fut en faveur de ses pieux gardiens. La femme de Terrès fut guérie radicalement d'une maladie réputée incurable dont elle souffrait depuis douze ans. Un avocat, Michel Ulpicella, en proie depuis six mois à une sciatique rebelle à tout remède, n'eut qu'à se faire transporter dans la chapelle pour recouvrer immédiatement la santé. Une noble dame, affligée d'un ulcère cancéreux, mit, le soir, sur sa plaie, une relique de la Sainte ; le lendemain matin, un chirurgien qui venait faire l'amputation, trouva la gangrène entièrement disparue.
Cependant deux hommes robustes étaient arrivés de Mugnano à Naples pour le transport du reliquaire : ils disaient avec quelle impatience leurs compatriotes attendaient le trésor annoncé. Don François décida qu'on partirait au plus tôt.
Le samedi soir, 9 août, le cortège se mettait en marche. On devait cheminer la nuit pour éviter les ardeurs du soleil, terrible dans ces contrées durant la canicule. Pendant ce temps, Mugnano se préparait. Les cloches avaient annoncé dès la veille l'événement du lendemain. On se groupait dans les rues pour partir ensemble dès qu'on annoncerait l'approche des pieux voyageurs. Enfin, au point du jour, un messager, détaché du groupe par Don François, apparaît à l'entrée de la ville et dit : Voilà la Sainte! -Voilà la Sainte ! crie-t-on de toutes parts. Et vite on va réveiller les cloches qui transmettent au loin la nouvelle. En un instant, une procession immense est formée : les deux confréries sont là, bannières au vent, musique en tête ; plus de quarante prêtres, revêtus des plus riches ornements ; et puis toute la ville en habits de fêtes ; on vient même des villages voisins ; une troupe de musiciens qui passaient par là ne veut pas continuer sa route sans avoir exécuté ses plus beaux morceaux. Et quand les reliques apparaissent, alors l'enthousiasme est à son comble : les rangs s'ouvrent, les chants éclatent, interrompus par des acclamations, des fanfares, des décharges d'armes à feu. On prie, on crie, on pleure ; il faut deux heures pour atteindre l'église depuis l'entrée de la ville. On arrive enfin. Le reliquaire est placé sous un dais triomphal auprès de l'autel, du côté de l'Evangile. Maintenant la Sainte est bien chez elle, là où Dieu la voulait. L'église qui va la garder s'appelle déjà l'Eglise des Grâces. Elle n'aura jamais mieux porté son nom qu'à partir du jour béni où elle a vu entrer sainte Philomène.
III. Premier anniversaire
Il y avait à Mugnano un nommé Angel Bianco qu'une goutte cruelle retenait au lit depuis plusieurs mois. En entendant, la nuit qui précéda l'entrée du reliquaire, les cloches sonner pour éveiller la ville, il se mit à prier de toute son âme, et au matin sa foi était si vive qu'il s'élança tout malade hors de son lit pour aller voir la Sainte. O prodige ! au bout de quelques pas encore, et il est guéri ! Son apparition à l'église fut saluée par tous ceux qui le savaient impotent, et puis par la foule entière. C'est par lui que sainte Philomène commençait à Mugnano la série de ses miraculeux bienfaits.
La suite ne se fit pas attendre. Le dimanche suivant, une veuve de Mercogliano avait apporté à la messe son fils unique, estropié de naissance, absolument perclus. Au moment de l'élévation, la pauvre femme s'abîmait dans la prière, lorsqu'elle sentit l'enfant, assis à côté d'elle, se lever et partir. Elle regarde ; son fils, complètement guéri, marchait d'un pas ferme vers le reliquaire. Un grand cri : Miracle ! s'échappe malgré elle de sa poitrine. Miracle! répète la foule subitement transportée. Aussitôt les cloches sont mises en branle, on pleure de joie, on acclame la Sainte, et, la messe à peine finie, l'enfant est reconduit en triomphe au son des fifres et des tambours, qui, dans ce pays-là, sont de toutes les fêtes. L'après-midi, un grand orateur parlait en chaire sur cet évènement. Voilà qu'en l'écoutant, une femme de l'auditoire a subitement la pensée que sa fillette de deux ans, aveugle, recouvrera la vue si elle baigne ses pauvres yeux obscurs avec l'huile d'une lampe allumée devant la Sainte. Et prise d'impatience, sans attendre la fin du discours, elle se lève, traverse la foule malgré les réclamations des assistants, et parvient à la lampe. Elle humecte les yeux de l'enfant qui est subitement guérie. On l'a vue, un tumulte enthousiaste éclate, l'orateur n'a plus qu'à s'interrompre et à s'en aller : le plus beau commentaire d'un miracle n'est-ce pas un miracle nouveau ? Un prêtre monte à sa place, tenant dans ses bras l'heureuse enfant que la foule applaudit.
La source des prodiges est ouverte, et ne doit plus tarir. On ne s'attend pas sans doute à ce que nous racontions même les principaux faits ; il faudrait un grand volume. Qu'on songe que sainte Philomène s'est élevée presque d'un coup au rang des plus illustres thaumaturges de l'Eglise. Et encore n'est-il question que des miracles publiés. Combien de grâces secrètes, faveurs spirituelles, conversions, consolations, joies dans les épreuves, force dans la lutte, illuminations soudaines, élans généreux ! C'est là surtout, il n'en faut pas douter, dans ce monde invisible des âmes, que sainte Philomène a opéré le plus beau de son oeuvre terrestre.
Heureux peuple qui oubliait auprès d'un reliquaire la révolution dont son territoire était le théâtre ! On sait, en effet, qu'en 1799, le général Championnet entrait à Naples et mettait le vieux royaume en république. Naturellement, depuis lors, la domination française était bien plus subie qu'acceptée, et l'armée d'occupation devait se tenir constamment en garde contre les surprises. Dans ces circonstances arriva le 10 août 1806, premier anniversaire de la translation de sainte Philomène. Tout était prêt à Mugnano pour renouveler la fête de l'année précédente. Au loin, de tous côtés, les pèlerins arrivaient en foule, quand soudain la nouvelle se répand que la solennité est interdite, et qu'un escadron de cavaliers français accourt pour l'empêcher. Le général en chef craignait que sous ce pèlerinage se cachât un complot. La déception fut immense, elle prit le caractère d'une telle douleur que le commandant militaire, voyant combien ces bonnes gens étaient inoffensifs, rapporta la défense. Bien plus, il voulut que sa troupe prît part à la grande procession du soir. Une partie faisait la haie, l'autre composait l'escorte d'honneur. La musique militaire alternait avec celle de la ville. L'éclat des armes et des uniformes, la fière allure de ces braves qui avaient parcouru l'Europe en vainqueurs, l'enthousiasme surexcité du peuple donnèrent à cet anniversaire un cachet étrange et imprévu qui en doubla l'attrait.
IV. Rome consacre le culte public de sainte Philomène
Depuis vingt ans, on publiait les miracles de sainte Philomène. Les populations assiégeaient son autel. Prêtres, religieux, prélats, évêques, orateurs, écrivains, la proclamaient grande Thaumaturge, les missionnaires portaient son nom jusqu'au fond de l'Orient. Rome n'avait encore rien dit.
Don François de Lucia achevait d'écrire un volume plein de détails sur l'histoire prodigieuse qui se déroulait à Mugnano ; Mgr Ludovici, le prélat qui avait présidé, en 1802, à la découverte des précieuses reliques, voulut présenter lui-même l'ouvrage à Léon XII. Le vicaire de Jésus-Christ, l'ayant parcouru, fit, dans sa réponse, un éloge complet de celle qu'il n'hésitait plus à nommer la grande Sainte. Assurément ce titre n'avait rien d'exagéré : sainte Philomène s'était vraiment montrée une grande Sainte. Pourtant ce simple mot tombé des lèvres du Pontife provoqua, dès qu'on le sut, un redoublement de ferveur.
Sainte Philomène y répondit par un redoublement de miracles. A Rome même, sous les yeux du Pape, elle guérit une religieuse dont on n'attendait plus que le dernier soupir. L'évêque de Népi et Sutri, Mgr Anselme Basilici, son dévôt serviteur, possédait un de ses ossements. Voulant faire des heureux, il travaillait un jour à enfermer de petites parcelles de cet ossement dans des reliquaires pour en distribuer à ses diocésains, lorsqu'il s'aperçoit, lui et ses aides, que la provision ne diminue nullement, et que, malgré cent trente emprunts, elle est toujours aussi considérable. Une nouvelle distribution n'a pas plus d'effet. Emerveillé, l'évêque en tente une troisième, avec des soins plus minutieux encore ; on n'en peut plus douter, ce sont les reliques qui se multiplient miraculeusement. Selon la parole de l'Ecclésiaste, ses ossements croissaient jusque dans la tombe.
A la même époque, eut lieu la guérison de Mlle Pauline Jaricot, l'illustre Lyonnaise dont nous parlons plus loin.
Il est évident que Rome ne pouvait plus, sans contrister les âmes, maintenir sa traditionnelle réserve. Un décret de Grégoire XVI, daté du 30 janvier 1837, instituait une fête spéciale en l'honneur de sainte Philomène, avec une Leçon propre introduite dans le Bréviaire. La bienheureuse enfant est la seule parmi les saints sortis des catacombes à laquelle on ait fait cet honneur.
A dater de ce jour, les Souverains Pontifes n'ont plus ménagé leurs faveurs aux serviteurs de sainte Philomène. Ne vit-on pas en 1849, pendant la tourmente révolutionnaire qui força Pie IX à se réfugier à Naples, auprès de Ferdinand II, le vénérable exilé arriver tout exprès à Mugnano pour porter à l'innocente martyre l'hommage de son coeur meurtri par l'ingratitude de ses sujets ? Comme pour reconnaître la grandeur du personnage qui venait à elle, l'aimable Vierge guérissait dans le même temps un enfant affreusement malade. Délicatesse réciproque, le Pontife adopta aussitôt le jeune miraculé, et il ordonna qu'on le placerait, à ses frais, au séminaire de Bénévent.
Grégoire XVI avait institué une fête en l'honneur de sainte Philomène : Pie IX décida que, pour cette fête, un office tout spécial serait composé. Ceux qui connaissent les traditions de l'Eglise savent bien que cet hommage est un des plus éclatants qu'elle puisse rendre aux élus. "Non seulement, dit la cinquième leçon de Matines, de saints prélats et des ecclésiastiques de grand nom, mais encore des rois, des princes et d'autres fidèles illustres par leur piété et leur noblesse sont venus de lointaines contrées vénérer son tombeau, la remercier de ses bienfaits, comme l'attestent tant de vases d'or et d'argent, de rubis et de pierres précieuses, monuments de leur piété."
V. Sainte Philomène en France
On pense bien que pendant tous ces événements le nom de sainte Philomène avait passé les Alpes et pénétré en France. Tant de gloire devait retentir dans ce pays si avide d'émotions religieuses. La sainte enfant était donc invoquée, ici, là, un peu de tous les côtés.
Mais l'évènement qui donna un retentissement extraordinaire à la renommée de sainte Philomène, ce fut la guérison de l'illustre Lyonnaise Marie-Pauline Jaricot, une des plus belles âmes de notre temps. Elle ressemble à sainte Thérèse. Ardente, passionnée, généreuse, d'une rare culture intellectuelle, étant jeune fille, Pauline-Marie éprouva, comme la sainte à laquelle nous venons de la comparer, un de ces vertiges du monde qui ravissent tant de jeunes personnes à la vie chrétienne. La crise se dénoua par un sacrifice total de l'héroïque enfant à Dieu.
Elle se voua dès lors aux oeuvres de piété et de zèle et devint fondatrice de la Propagation de la Foi et du Rosaire-Vivant. Mais voilà qu'une violente maladie de coeur se déclare, et le moment vint où l'on crut qu'elle n'y résisterait pas. Les Frères de Saint-Jean-de-Dieu lui avaient fait connaître sainte Philomène et ses miracles dans l'oeuvre de leur rentrée en France. Malgré son état qui obligeait, pour la changer de place, de la transporter assise dans un fauteuil, Mlle Jaricot voulut entreprendre le pèlerinage de Mugnano.
Sa réputation l'avait précédée à Rome. Elle fut reçue avec honneur au Sacré-Coeur de la Trinité-du-Mont, et le Pape Grégoire XVI s'y rendit pour la voir. Frappé de son état, le doux Pontife n'hésita pas à lui demander de prier pour lui, dès qu'elle serait au Ciel.
- Oui, Très Saint Père, je vous le promets, répondit Pauline, mais si, à mon retour de Mugnano, j'allais à pied au Vatican, Votre Sainteté daignerait-elle procéder sans retard à l'examen définitif de la cause de sainte Philomène ?
- Oh oui, ma fille, car alors il y aurait miracle de premier ordre, répliqua Grégoire XVI. Puis se retournant vers la Supérieure de la maison, il ajouta en italien pour que Pauline ne comprît pas : "Qu'elle est donc malade, notre fille ! nous ne la reverrons plus, elle ne reviendra pas." Pauline sourit ; la foi fortifiait son espérance.
Malgré l'ardeur néfaste du climat, la moribonde put arriver à Mugnano. C'était le 8 août 1835. Le surlendemain on célébrait la fête de la sainte Philomène. L'héroïque malade passa tout le jour devant les reliques, au milieu d'une foule immense attirée par la solennité. Bientôt la transformation s'opère. Une chaleur intense envahit la moribonde ; une joie étrange la pénètre ; plus de doute, c'est la guérison ; le miracle imploré vient de s'accomplir. Pauline l'a senti, mais craignant les transports du peuple, elle se fait porter encore, en présence de la consternation générale. Pourtant le lundi soir, 10 août, après la bénédiction et le départ de la foule, elle se hasarde et marche seule jusqu'à la porte, sans faire usage du grand fauteuil, son véhicule ordinaire. Quand le gardien de l'église la voit ainsi sur pied, stupéfait d'abord, convaincu ensuite, il jette des cris, fait mettre les cloches à la volée, et la bonne Pauline qui avait voulu se soustraire aux ovations populaires doit subir d'indescriptibles assauts. Elle se prête doucement à toutes les exigences, et l'on peut croire qu'à la fin rien ne manquait à la preuve expérimentale de sa guérison.
Le retour fut un triomphe pour sainte Philomène. Dans sa reconnaissance, Pauline avait installé sur sa chaise de poste l'insigne relique qu'elle avait obtenue, ainsi qu'une belle statue. On devine quelle curiosité d'abord, quelle dévotion ensuite s'éveillèrent partout sur son passage. A chaque relais, c'étaient des acclamations et comme des cérémonies improvisées en plein air autour des voyageuses.
Naturellement, Pauline voulut revoir Grégoire XVI, qui peut-être à ce moment la croyait morte. Quand le Pontife la revit devant lui, pleine de force et de santé, il ne put maîtriser son émotion :
- Est-ce bien ma chère fille ? s'écria-t-il. Revient-elle de la tombe, ou Dieu a-t-il manifesté en sa faveur la puissance de la Vierge martyre ? Et il faisait marcher Pauline dans les immenses salles du Vatican : "Encore, encore plus vite ! disait-il. Je veux être sûr de n'avoir pas sous les yeux une apparition de l'autre monde."
L'auguste vieillard combla Pauline de privilèges et la retint à Rome une année entière. D'autre part, il donna aussitôt l'ordre d'instruire canoniquement la cause de sainte Philomène.
Rentrée en France, Mlle Jaricot fit élever dans sa propriété de Fourvières une chapelle en l'honneur de sa bienfaitrice. L'image et les reliques qu'elle avait rapportées du triomphe de Mugnano y furent placées. Voilà le premier sanctuaire public établi en France en l'honneur de la Bienheureuse. Les ex-voto couvrent ses murs.
La noble femme consacra ensuite toute sa fortune à la régénération de la classe ouvrière, devinant en cela, par cette clairvoyance surhumaine que Dieu donne aux Saints, le besoin capital de l'heure présente.
VI. Sainte Philomène et le Curé d'Ars
Tous ceux qui abordèrent la miraculée durent entendre les louanges de sa Bienfaitrice et subir l'action que sa parole convaincue ne pouvait manquer de produire.
Or, parmi les visiteurs de Mlle Jaricot, se trouvait un humble prêtre du diocèse de Belley. Sa paroisse, une des plus misérables de la région, était au nombre de celles que Paul ne secourait, et l'homme de Dieu venait de temps à autre tendre la main pour ses pauvres. Quelle que fût l'humilité du prêtre, il n'avait point passé inaperçu dans la foule de ceux qui puisaient aux mains constamment ouvertes de la riche Lyonnaise (les belles âmes se révèlent toujours), car elle lui conserva comme à un privilégié une relique de sainte Philomène. "Monsieur le Curé, dit-elle en la lui remettant, ayez grande confiance en cette Sainte ; elle vous obtiendra tout ce que vous lui demanderez".
Ce prêtre était le curé d'Ars, la grande figure sacerdotale de ce siècle !
Que se passa-t-il aussitôt dans l'âme du saint ? Dieu seul le sait, mais à dater de ce jour, le Prêtre et la Vierge ne se quittèrent plus. Lui, parlait constamment d'elle avec une tendresse inspirée, et elle faisait avec une docilité d'enfant tout ce qu'il voulait. Quelque faveur qu'on lui demandât en son nom, elle l'accordait. Ne se crut-il pas un jour obligé de modérer sa complaisance ? oh ! non pas qu'il eût l'idée de diminuer ses grâces, mais il trouvait que tant de miracles faisaient trop parler de lui.
Heureusement la petite Sainte ne l'écouta guère, et non seulement elle continua ses prodiges, mais encore elle voulut en faire un pour lui-même. C'était en 1843. A force de se priver de tout, de nourriture, et de feu, le saint homme avait gagné une fluxion de poitrine. Il était très mal, on venait de lui administrer les derniers sacrements, et l'on n'attendait plus que le dénouement fatal, lorsque tout à coup, pendant qu'une messe se disait pour lui à Sainte Philomène, on le voit s'endormir doucement, puis bientôt se réveiller absolument guéri. "C'est une opinion générale, dit M. Monnin, son historien, que sainte Philomène lui était apparue, et lui avait dit des choses qui ont fait, jusqu'au terme de sa longue vie, la consolation du saint prêtre." Durant ce sommeil mystérieux, on l'entendait murmurer plusieurs fois le nom de sa douce protectrice. Un tableau placé dans la belle chapelle de la Sainte, à Ars, perpétue le souvenir de cette miraculeuse guérison.
L'effet naturel de cette faveur fut de resserrer encore l'union du saint prêtre et de l'aimable enfant. "Leurs coeurs allèrent toujours s'unissant de plus en plus, dit son biographe, au point qu'il y avait entre eux dans ces dernières années, on le sait par des confidences réitérées, un commerce immédiat et direct, et, dès lors, le saint vivant eut avec la bienheureuse, la familiarité la plus douce et la plus intime. C'était d'une part une perpétuelle invocation, de l'autre une assistance sensible, une sorte de présence réelle."
A combien d'âmes le saint Curé a-t-il fait partager son amour ? A des millions sans doute, car on sait que pendant vingt-cinq ans l'église d'Ars n'a pas désempli, et personne n'y est entré sans entendre le doux vieillard parler de sa petite Sainte. Sans quitter son village, il a couvert la France de sanctuaires en son honneur. On lui envoyait de tous côtés des statues à bénir, pour lui montrer que c'était à lui qu'on devait de la connaître. En 1859, l'année de sa mort, on peut bien dire qu'il avait mis la France aux pieds de sainte Philomène.
Extraits du "Messager Canadien du Sacré-Coeur", vol. V, août et septembre 1896.
Prières
Attirée par vos exemples à la pratique de la vertu, plein d'espoir à la vue des récompenses accordées à vos mérites, je veux fuir le péché, et accomplir tout ce que Dieu me commande. Aidez-moi, grande Sainte, à obtenir une pureté à jamais inviolable, une générosité qui ne se refuse pour l'amour de Dieu à aucun sacrifice, un dévouement sans bornes la foi catholique, et . . . (nommez la faveur spéciale que vous désirez). Ce Dieu si bon pour lequel vous avez donné votre sang et votre vie, ce Dieu qui m'a tant aimé, ne refusera rien à vos prières.
Ainsi soit-il.
Je vous salue, ô innocente Philomène qui, par l'amour de Jésus, avez conservé dans tout son éclat le lis de la virginité. Je vous salue, ô illustre Philomène, qui avez répandu si courageusement votre sang pour Jésus-Christ.
Je bénis le Seigneur pour toutes les grâces qu'Il vous a accordées pendant votre vie, et tout spécialement à l'heure de votre mort. Je Le loue et Le glorifie pour l'honneur et la puissance avec lesquels Il vous a couronnée, et je vous supplie d'obtenir pour moi auprès de Dieu les grâces que je demande par votre intercession.
Sainte Philomène, fille bien-aimée de Jésus et de Marie, priez pour nous qui avons recours à vous. Ainsi soit-il.
Bibliographie
Jean-François Barelli
La Thaumaturge du XIXe siècle, ou sainte Philomène, vierge et martyre
Nouvelle édition, corrigée et augmentée de prières et de cantiques
Lyon, Pélagaud, 1865.
Jean Darche
Vie très complète de sainte Philomène vierge et martyre
Paris, Régis Ruffet, 1867.
Vie nouvelle du vénérable curé d'Ars et de Sainte Philomène, vierge et martyre
Paris, Victor Palmé, 1870.
Collectif
Vie de Sainte-Philomène, vierge et martyre ou la sainte thaumaturge du XIX° siècle
Eugène Ardant et Cie., s.d. (fin XIX°)
Mgr Francis Trochu
La petite Sainte du Curé d'Ars. Sainte Philomène, vierge et martyre
Lyon-Paris, Librairie Catholique Emmanuel Vitte, 1924.
R.P. Paul O'Sullivan, o.p.
Sainte Philomène, "la chère petite Sainte du curé d'Ars"
Outremont, Editions Leparex, 2001.
jeudi 28 mai 2009
Le Christ a les yeux bleus.
Gouverneur de la Judée sous le règne de Tibère César au SÉNAT ROMAIN.
Publius Lentulus à TIBÈRE EMPEREUR
- Salut -
Voici. Ô Majesté. la réponse que tu désires.
Il est apparu un homme doué d'une puissance exceptionnelle, on l'appelle le grand prophète; ses disciples l'appellent FILS DE DIEU, son nom est JÉSUS-CHRIST. En vérité, ô César, on entend raconter chaque jour, des choses merveilleuses de ce Christ qui ressuscite les morts, guérit toute infirmité et étonne toute Jérusalem par sa doctrine extraordinaire. Il a un aspect majestueux et une figure rayonnante pleine de suavité; de manière que tous ceux qui le voient sont pénétrés d'amour et de crainte à la fois. On dit que son visage rosé à la barbe divisée par le milieu est d'une beauté incomparable et que personne ne peut le regarder fixement sans en être ébloui.
Par ses traits, ses yeux bleus ciel, ses cheveux châtain clair, il ressemble à sa mère qui est la plus belle et la plus douce des femmes que l'on ait jamais vue dans ces contrées. Son langage précis, net, grave, inattaquable est l'expression la plus pure de la vertu, d'une science qui surpasse de beaucoup celle des plus grands génies.
Dans ses reproches et dans ses réprimandes il est formidable; dans son enseignement et ses exhortations il est doux, aimable, attrayant, irrésistible. Il va nu-pieds et tête-nue; à le voir de loin, on rit, mais à sa présence on tremble et l'on est déconcerté. On ne l'a jamais vu rire, mais on l'a vu pleurer. Tous ceux qui l'ont approché disent qu'ils en ont reçu santé et bienfaits; néanmoins je suis harcelé par des méchants qui disent qu'il nuit grandement a Ta Majesté, parce qu'il affirme publiquement que les rois et leurs sujets sont égaux devant DIEU. Commande-moi donc, Tu seras promptement obéi.
P.Lentulus.
Proconsul romain en Judée.
PUBLIUS LENTULUS
Gouverneur de la Judée sous le règne de Tibère César
au Sénat Romain
Pères Conscrits,
Il a paru de nos jours un homme d'une grande vertu, qui est encore au milieu de nous, et qu'on nomme Jésus-Christ. Les Gentils le regardent comme un véritable prophète; mais ses disciples l'appellent FILS DE DIEU. Il ressuscite les morts et guérit les malades. Il est d'une taille assez grande, bien fait, bien proportionné ; ses mains et ses bras sont d'une beauté remarquable, son air inspire le respect et fait éprouver un mélange d'amour et de crainte. Ses cheveux sont de la couleur d'une aveline très mûre jusqu'aux oreilles, et de là, jusqu'à leur extrémité, ils sont plus brillants, et se répandent en boucles légères sur ses épaules : ils sont partagés sur le sommet de la tête ; à la manière des Nazaréens. Son front est uni et pur. Aucune tache ni ride ne dépare son visage doucement coloré. Son nez et sa bouche sont formés avec une parfaite symétrie. Sa barbe est épaisse, de la couleur de ses cheveux, pas très longue, et elle se divise vers le milieu. Il a le regard bienveillant et noble. Ses yeux sont gris, brillants, vifs. Il censure avec majesté, exhorte avec douceur, parle avec retenue, modestie et sagesse. Jamais on ne l'a vu rire, mais souvent on l'a vu pleurer. C'est un homme qui, par sa rare bonté, surpasse les enfants des hommes.
Avortement : le bienfait de l'excommunication
"Certains, lorsqu’ils parlent de la publicité donnée à cette affaire, affirment qu’il n’était pas «opportun» de parler d’excommunication. Je ne suis pas d’accord avec ce point de vue. On me dit presque qu’il aurait fallu oublier ce que dit le Droit canon à propos de l’excommunication. Mon opinion est différente. Je dis que cette loi existe pour le bien de l’Eglise. Et ce n’est pas moi qui ai excommunié quiconque, comme je l’ai répété maintes fois. Ceux qui m’accusent affirment que c’est moi qui ai «excommunié», et c’est totalement faux : j’ai simplement attiré l’attention sur une loi qui existe dans l’Eglise, le canon 1398. Et je me demande : convient-il de faire silence, comme beaucoup le prétendent ? Aurait-il mieux valu que je ne parle pas du tout d’excommunication ? Eh bien, je réponds que je ne suis pas d’accord. C’est une loi de l’Eglise, pour le bien de l’Eglise. Elle existe depuis plusieurs siècles. Le nouveau Code de droit canonique, promulgué en 1983 par le serviteur de Dieu Jean-Paul II, réitère cette loi, tout comme le Catéchisme de l’Eglise catholique, publié par le même pape en 1992, répète cette loi et la commente. Vaudrait-il donc mieux se taire ? Eh bien, à mon avis, il est de la plus haute importance d’attirer l’attention de tous et surtout des fidèles catholiques sur la gravité du crime de l’avortement. C’est pour cela que la loi existe.
Nous autres, dans notre diocèse, avons reçu tant de messages de tant de personnes qui me disent : «Aujourd’hui, je comprends mieux la gravité de l’avortement, et je vais changer ma conscience.» A mon avis, le fait d’attirer l’attention sur l’existence de cette excommunication produit un bien spirituel chez les fidèles catholiques, mais aussi chez les autres qui réalisent en apparence tranquillement des avortements et qui vont désormais, je le crois, peser dans leur conscience la gravité de ce qu’ils font. Et telle est la finalité de cette loi de l’Eglise, de cette pénalité d’excommunication : elle est médicinale. C’est un remède en vue de la conversion de tous. Et pour la personne qui l’encourt, un moyen de lui faire comprendre qu’elle va devoir répondre de son acte devant Dieu. Avec l’Eglise, nous désirons que tous, même ceux qui suivent aujourd’hui un chemin d’erreur, se remettent à vivre en accord avec la loi de Dieu. Nous ne voulons la condamnation éternelle de personne. A mon avis, le silence – ne pas parler d’excommunication – causerait un grave tort à l’Eglise.
Plus encore, j’ai l’impression que certains parmi ceux qui s’expriment contre moi sont quasiment en train d’insinuer qu’il vaudrait mieux abroger le canon de l’excommunication. Mais l’Eglise ne pense pas cela. L’Eglise maintient cette loi, parce que pour le bien commun de l’Eglise, il est nécessaire, quand il s’agit de délits gravissimes, qu’il y ait une loi claire, et que cette pénalité soit appliquée. Ce sont des principes d’une très grande importance. Pour moi, le silence équivaudrait à de la complicité. [...] C’est un remède spirituel. L’Eglise est investie d’une mission, qui est de mener tous les hommes au salut éternel, et de les faire vivre dans la grâce de Dieu. De fait, il est des personnes qui font «tranquillement» des avortements, et qui disent tout aussi tranquillement qu’elles vont continuer. Nous autres, en tant que catholiques, et surtout les pasteurs de l’Eglise, ne pouvons rester silencieux, comme si tout cela était très bien. C’est pourquoi je répète que ne pas parler, ne pas attirer l’attention sur la gravité, sur le sérieux de ce problème, et surtout sur le fait que l’Eglise, pour le bien commun, applique cette pénalité, serait de la complicité. Cela reviendrait quasiment à accepter cette situation si grave.
Ici au Brésil, on est en train de préparer une loi de légalisation de l’avortement. Nous, les catholiques, devons parler en premier lieu de la responsabilité morale. Il y a évidemment des catholiques dans notre Parlement qui défendent la loi de Dieu, mais il y en a d’autres qui soutiennent ce projet, à commencer par le président de la République. Nous ne pouvons pas rester silencieux ! [...] Il m’importe beaucoup de rappeler que les médecins qui ont réalisé l’avortement ont déclaré qu’ils pratiquent des avortements depuis longtemps, et avec « fierté». Et ils affirment qu’ils continueront. Nous ne pouvons rester silencieux face à cela. [...]
Il faut bien le comprendre : dès les tout premiers siècles, il y a eu des lois d’excommunication dans l’Eglise. Elles visent à protéger le bien commun de la société ecclésiale : c’est pour cela qu’il faut un droit canonique, l’aspect juridique de l’Eglise en tant que société humaine est indispensable. Nous ne pouvons espérer simplement que chacun suive sa conscience. L’Eglise doit évidemment d’abord prendre soin de la vie spirituelle de chacun, mais le bien commun, au sens technique, est très important aussi : il s’agit d’un environnement adéquat où chacun puisse vivre tranquillement. Les pénalités prévues par le Code de droit canonique ont aussi cette finalité. [...]
Un musulman a propos de certains catholiques
Voici une lettre qu'un ami a trouve sur le site en référence.
Comment les musulmans voient ils les cathos en France?
A lire et méditer.
Bonjour,
J’ai découvert, il y a peu de temps, votre site (http://intransigeants.wordpress.com) que je visite assez régulièrement afin d’y chercher des infos qu’il m’est quasiment impossible de trouver ailleurs.
En tant que musulman, je salue votre courage et vos efforts de défendre le Christianisme dans un pays, la France, qui, à ma connaissance, n’a pas d’égal dans la haine de Dieu. Pour y avoir vécu dix ans (en tant qu’étudiant, où j’ai fini mon doctorat), je sais de quoi je parle. Le sentiment que Dieu dérange est un sentiment que je n’ai rencontré nulle part avec la même ardeur.
J’avoue ne pas partager toutes vos positions, bien que je sois moi aussi anti-moderniste, mais cela n’est pas l’essentiel. Les différences d’opinions peuvent exister même au sein d’un même famille. Cela dit, ce que j’aimerais saluer en particulier est votre prise de conscience que l’Islam n’est pas l’ennemi de la France, que, bien au contraire, il constitue un facteur positif qui peut faire revenir beaucoup de Français à ce qu’il y a d’essentiel dans leur Tradition. C’est là quelque chose que beaucoup de catholiques ne semblent pas percevoir. D’ailleurs, je n’ai jamais compris cette réaction. Bien que j’aie passé dix ans en France (de 1996 à 2006), ce n’est que lors des deux dernières années que j’ai découvert le catholicisme en France — je veux dire par là que j’ai découvert des catholiques, et non les bâtiments, souvent vides, des églises. Et cela a été une très belle surprise pour moi. Cela m’a permis de découvrir des gens avec qui je partageais plus ou moins les mêmes préoccupations morales, philosophiques, culturelles et parfois mêmes métaphysiques. Cela m’a également permis d’approfondir ma connaissance des auteurs chrétiens, que je considère aujourd’hui comme le meilleur produit intellectuel de la France. Je dois certainement porter hommage à mes amis chrétiens qui m’ont fait connaitre Gilson, Maritain et surtout Péguy, Péguy qui est devenu, pour moi, musulman, un bon “ami”, un compagnon quotidien qui illumine tant ma pensée que mon être, par sa belle écriture intègre, passionnée et incisive. Et depuis mon retour en Tunisie, où j’enseigne la littérature anglaise à la faculté, je tente d’ouvrir les yeux de mes étudiants et de certains de mes collègues (certains, car la majorité est infectée par le virus du modernisme, ce ne sont que des sous-produits de ce que la mentalité occidentale a de pire à offrir au monde) — je tente donc de leur ouvrir les yeux sur la richesse de la pensée catholique, sur le fait que c’est ce qu’il y a de plus noble, de plus riche, de plus profond dans la pensée occidentale et Française en particulier.
Que la France redevienne un pays chrétien est, n’en doutez pas, le souhait de beaucoup de musulmans, qu’ils résident en France ou ailleurs. Mais je parlerai en particulier de ceux qui vivent en France, et pour qui l’éducation des enfants est une préoccupation colossale. Elever ses enfants dans un pays où le mariage est respecté (entre “mâle” et “femelle”, bien entendu), où la famille est sacrée, où la morale n’est pas relative, où l’on n’enseigne pas la haine systématique de Dieu dans les écoles (c’est, me semble-t-il, le cas en France), ne peut pas ne pas être le souhait de tout musulman. D’où mon incompréhension de l’attitude de certains catholiques qui participent à fausser le débat en se concentrant sur le danger islamique en France.
Je crois que le Catholicisme est plus proche d’eux; qu’il forme leur tradition historique. Qu’ils y reviennent donc. Je dis que la présence musulmane est bénéfique en France, surtout pour le Catholicisme. Les musulmans, parce que leur religion est visible (en raison de la dimension éxotérique de cette religion), produisent, en France, le modèle de l’homme intransigeant (c’est d’ailleurs le nom de votre site), de l’homme qui n’a pas honte de sa foi. Si la laïcité à la Française pense avoir les armes appropriées pour combattre le catholicisme (histoire des guerres de religions, intervention de la religion dans le politique etc.), elle se révèle totalement impuissante face à l’Islam, qu’elle n’est pas historiquement ou culturellement équipée à combattre. C’est cette intransigeance de l’homme musulman en France qui a poussé beaucoup de catholiques à se dire: “et pourquoi pas nous?“. C’est parce que l’Islam a toujours été perçu comme religion fanatique qu’aujourd’hui, à l’heure où il devient une religion familière dans le paysage français, que cette mauvaise réputation le sert. On s’attend, en France, à ce qu’un musulman soit “bon musulman”, à ce qu’il fasse ses prières, à ce qu’il élève ses enfants selon sa religion. On ne s’attend pas à ce qu’un chrétien fasse la même chose. Un musulman qui va à la mosquée cinq fois par jour est aux yeux du Français “ordinaire” (à ne pas confondre avec “normal”) un musulman, tout simplement. Un musulman normal. Mais un catholique qui va à l’église chaque jour est perçu comme fanatique. D’où l’intérêt de l’Islam en France, pour tout catholique qui voit où réside l’intérêt de sa propre tradition. L’Islam re-normalise la religion. Quand on pense qu’il est normal qu’un musulman aille à la mosquée cinq fois par jour, on finira par croire que c’est normal également pour un Catholique d’aller à l’église chaque jour.
J’ai remarqué cela en France, et je pense que c’est l’un des apports de l’ISlam dans ce pays en ce qui concerne le catholicisme. Les musulmans sont en train d’apporter quelque chose dont la France, la France catholique, a tant besoin: ne pas avoir honte de Dieu. C’est le point de départ de toute initiative historique. Ce n’est souvent qu’après avoir défendu le Christianisme ardemment contre ses détracteurs (moi, le musulman, le fais! — et je ne le dis pas pour me flatter, ni pour dire que je rend service) que certains de mes amis “chrétiens” m’avouent par la suite qu’ils croient en Dieu. Il faut les comprendre; l’homme moderne est lâche, et la honte, comme le montre si joliment un sociologue anglo-saxon (Sennet) est l’arme de prédilection du modernisme (avoir honte de dire que l’évolutionnisme n’est qu’une hypothèse, avoir honte de dire “je crois en Dieu”, avoir honte de dire: “je ne désobéis pas à mes parents”, avoir honte de s’habiller décemment et de dire “je m’habille décemment”, de peur de faire passer la moitié des femmes pour des putains, etc.). Faire honte aux gens: voilà l’arme redoutable des temps modernes. Je les comprends donc, mes amis catholiques. je les comprends, mais je ne justifie pas leur comportement. Et voilà ce qui donne à l’Islam une importance particulière en France: effacer la honte. “Vous allez où?” –”Je vais à la mosquée; je reviens dans 15 minutes”. Voilà ce que les gens s’habituent de plus en plus à entendre. Il m’est arrivé de ne pas faire le Ramadan en France (moi aussi j’étais très “moderne”). Je ne me rappelle pas un seul des Français qui me côtoyaient qui ne m’ait posé la question: “Mais comment cela se fait-il que tu ne fasses pas le Ramadan?”. On me la posait chaque jour, cette question. C’est parce qu’on s’attend à ce qu’un musulman fasse le Ramadan. Un musulman “normal” est, pour un Français, quelqu’un qui fait le Ramadan. Ce n’est pas le cas pour un Catholique. On ne s’étonne pas de ne pas voir un Chrétien respecter le Carême. Un musulman “normal” ne choque pas quand il fait le Ramadan. Un catholique “normal” choque quand il respecte le Carême. Et voilà ce que l’Islam est en train de rendre normal en France: la pratique de sa religion. Ceux qui, aujourd’hui, trouvent normal qu’un musulman aille à la mosquée, demain trouveront également normal d’entendre dire par un Catholique: “Je vais à l’église; je vais prier”. Et cela ne peut que réjouir un musulman lorsqu’il connait sa religion.
Il me semble que vous, les gens qui gèrent ce site, êtes conscients de ce fait. Et je vous en félicite. Car j’avoue que certains tentent par tous les moyens de brouiller les pistes de la compréhension, de fausser les débats, de leur donner des tournures de type “eux contre nous”. Ce qui est totalement faux. Il faut encourager les chrétiens à être chrétiens, les musulmans à être musulmans, les juifs à être juifs (et vous savez autant que moi que l’aberration sioniste est une contre-façon du Judaïsme). Ce que les médias occultent constamment c’est que souvent les filles voilées excellent à l’école de la république; qu’un jeune de la cité, lorsqu’il retrouve sa religion, devient un homme intègre au lieu de continuer à être le lascard que les médias chérissent tant. Mais les médias occultent aussi que tous les Catholiques ne sont pas racistes; que beaucoup sont des modèles d’intégrité et d’excellence. Qu’aimer son pays n’est pas une tare. Que le système d’enseignement catholique reste aujourd’hui debout dans cette marre d’ignorance et d’abrutissement qui a détruit l’enseignement public.
Cela dit, je dois également avouer que mon différent essentiel avec mes amis catholiques en France a toujours été le problème Palestinien. Bien évidemment, les catholiques que j’ai connus, et qui sont devenus mes amis, ne sont pas traditionalistes. Mais ils sont de bons catholiques, qui essaient de vivre leurs vies selon les préceptes de leur religion. Ils ne font pas partie des catholiques “mous” ou des catholiques qui ont honte de leur catholicisme. Non, eux ils sont de bons catholiques, et leur morale le confirme d’ailleurs. L’église fait partie de leur quotidien. J’ai toujours répété que la découverte des Catholiques est la meilleure chose qui m’est arrivé en France. Il m’a fallu à peu près 8 ans avant de les découvrir, ce qui donne une idée du degré de “honte de Dieu” qui existe dans ce pays. Ils ne vous faut pas plus de deux heures dans n’importe quel pays musulman pour découvrir des musulmans. Je reviens donc au problème Palestinien. Cette question a toujours été une pierre d’achoppement dans mes rapports avec mes amis. Certains, depuis 2006, commencent à comprendre le problème Palestinien (ouf!! connaissant la France depuis 1996, je dois avouer que c’est quasiment un miracle!), mais il y a toujours un obstacle mental concernant Israël. Et je trouve cela aberrant de la part d’un chrétien. je dois l’avouer. Je dois porter témoignage. Certains de ces amis me sont plus chères que tous les autres, qu’ils soient musulmans ou autres. Dieu sait que je les aime! Mais l’idée de penser qu’ils sont d’une cruauté semblable me déséquilibre. Oui, car pour moi ne pas voir le problème Palestinien pour ce qu’il est témoigne d’une cruauté fondamentale. Continuer à défendre Israël, pour des raisons religieuses ou politiques, témoigne que la personne qui le fait porte en elle un germe de cruauté effrayant. “Dis la vérité même à ton dépit” dit notre Prophète; et Jésus ne dit pas autre chose. Qu’un chrétien continue à défendre Israël, pour je ne sais quelle raison, me chagrine. Mes amis me chagrinent. Que l’un d’entre eux continuent à dire “Israël” pour désigner le territoire qui devrait être désigné par “la Palestine occupée” me désole profondément. Et me blesse. Car cela vient d’un ami. Et que l’on ne supporte pas qu’un ami soit cruel. Qu’il soit à ce point inhumain. Qu’il soit à ce point malhonnête. Car c’est de la malhonnêteté qu’il s’agit, lorsqu’une personne bien instruite, bien catholique, qui connait sa Bible et son Péguy, son catéchisme et les écrits de ses Papes, continue à défendre Israël. C’est effrayant. Je comprend l’effet du lavage de cerveau sur des gens simples; mais je ne comprends pas qu’il puisse atteindre des personnes intelligentes et intègres. A l’heure où tout un peuple se fait martyriser, avec ses musulmans et ses chrétiens, je trouve inconcevable que des amis catholiques continuent à voir des “nuances” et des “justifications”. Qui nierait que la destruction par le Calife Fatimide de l’Eglise du Saint Sépulchre soit un crime dont on n’effacera pas la mémoire? Pourquoi alors continuer à trouver des nuances quand il s’agit de la destruction de mosquées et d’églises par des gens qui n’ont aucun respect ni pour l’Islam ni pour le Christianisme? Le Chrétien serait-il devenu à ce point impuissant qu’il permet, par son silence, le meurtre d’autres chrétiens par des gens qui n’ont aucun respect pour sa religion, au nom d’une quelconque doxa à la mode ou d’une culpabilité qu’il n’a pas à ressentir puisque les Nazis, de toute façon, n’étaient des Chrétiens tel qu’on l’entend?
Et, permettez moi d’ajouter que cette tendance n’est pas marginale. Mes amis tout autant que Rémi Brague la soutiennent. Rémi Brague! Il est bien courageux quand il s’agit de parler des musulmans. On aimerait bien voir son courage quand il s’agit d’Israël. Il s’empresse de prendre sa plume et écrire dans le Monde quand le Président Iranien parle de rayer Israël de la carte (ce que l’Occident capitaliste a bien fait à l’URSS, d’ailleurs). Et il le fait au nom de principes Chrétiens, en plus! On aimerait bien le voir prendre sa plume et défendre ces chrétiens Palestiens qui se font tuer tous les jours. Mais peut-être qu’ils ne sont pas assez Chrétiens à ses yeux.Ou peut-être que sa Bible est différente de celle des autres Chrétiens. Peut-être que dans l’Evangile selon Brague, Jésus demande au jeune disciple de tout abandonner sauf son poste à la Sorbonne. Mais Brague est un de ces Catholiques dont la vision est un mélange du Royaume de Dieu et de l’Empire de l’Oncle Sam. Peut-être que les Chrétiens Palestiniens ne sont pas assez occidentaux aux yeux “du” Brague.Quand le Pape Benoît XVI fut élu, je me rappelle la joie de mon voisin et ami catholique. Il était content car, disait-il, ce Pape était intransigeant sur le dogme, et qu’il était Européen (il y avait la possibilité, à l’époque, que le Pape soit non-Européen). Je me rappelle lui avoir dit, à l’époque: “Fais attention Alex, le Christianisme ne se confond pas avec l’Occident moderne”. Et je vois maintenant que cette confusion est faite par beaucoup de catholiques. Il n’y a qu’à voir le désarroi des catholiques palestiniens et arabes. Que certains catholiques de France veuillent que le Pape soit Européen parce qu’ils considèrent que cela aidera l’Europe à mieux conserver son identité chrétienne est une chose (et une chose louable en plus, je le dis en toute sincérité). Mais que la confusion soit faite entre la politique occidentale et la “politique” (j’entends morale) chrétienne est une autre affaire. Quand le Pape, dès son investiture, fut attaqué par les médias (on sait par qui) pour ses appartenances passées à la jeunesse hitlérienne à une époque où l’Allemagne entière faisait partie de cette jeunesse, on (nous, musulmans) a vite senti la pression qui se déchainait contre lui. Il fallait qu’il fasse acte d’allégeance. Qu’il entame un nouveau cycle d’excuses. Et on a vite senti que la pression s’exerçait dans le sens d’une identification entre le Christianisme et l’Occident, c’est-à-dire entre le Christianisme et l’Anti-Christ (dont Israël est le signe précurseur). Et certains Catholiques n’arrivent toujours pas à se défaire de cette confusion qui, si elle continue, mènera le Christianisme à sa fin. Je le dis sans ambiguités: continuer à confondre Occident et Christianisme c’est signer l’acte de mort de ce dernier. Et un musulman sincère n’aimera pas voir le Christianisme se faire vaincre par l’Occident. Car une “politique” (pas au sens stricte, mais au sens moral) Catholique ne peut en aucun cas s’aligner sur une politique occidentale. L’Occident moderne survit de ce qui demeure chrétien en lui, et meurt à mesure qu’il s’en détache. Le Christianisme n’a jamais été la religion des puissants de ce monde, même s’il le fut à certaines périodes, tout comme l’Islam ou n’importe quelle autre religion. Mais il l’a été contre lui-même, contre son essence, ou quand les puissants de ce monde étaient aussi puissants aux yeux de Dieu. Ce qui n’est pas le cas des puissants du monde d’aujourd’hui. Confondre Christianisme et Occident mènera le Christianisme à son terme, et c’est de cette vérité qu’il faut que les Chrétiens se rendent compte aujourd’hui.
Comment peut-on être Catholique et soutenir Israël? Soutenir Israël va de pair avec la politique occidentale, mais contre l’esprit chrétien. Comment pouvoir même trouver des nuances pour décrire la politique de l’entité sioniste? Voilà un mystère que je n’arrive pas à comprendre, et une cruauté que je trouve contraire à l’enseignement du Christ. L’aberration qu’est Israël est aujourd’hui un critère fondamental de distinction entre les hommes. C’est facile d’être pour ou contre le Kosovo; pour ou contre la libération des femmes, pour ou contre plein d’autres choses. Mais il faut du courage pour être contre Israël. Michel Foucault pouvait bien se permettre le luxe d’être pour toutes les causes marginales. Mais il manquait de courage pour être contre Israël . Et c’est à la hauteur de ce courage que l’on aimerait bien voir les Catholiques. Si on ne les respectait pas, on n’en demanderait pas autant.Si je ne pensais pas que le Catholicisme porte encore en lui ce qu’il y a de meilleur pour la France, qu’il est sa bouée de sauvetage et le gardien de ce qu’il y a de noble en elle, je ne demanderais pas à ce que la position des Catholiques soit aussi claire que tout simplement “catholique” (universelle, c’est-à-dire dépassant les clivages géopolitiques) là-dessus. Je ne demande pas que les Catholiques soient fermes là-dessus parce que cela apporterait un quelconque soutien aux Palestiniens ou aux Musulmans. Je ne suis pas de ceux qui croient au soutien des “autres”, de l’Occident ou de n’importe quelle autre entité. Le soutien vient de Dieu seul, et les musulmans n’ont besoin de personne. Quand le musulman demande le soutien aux autres Dieu l’abandonne. Je le demande parce que j’aime les Chrétiens, et qu’on n’aime pas voir un ami persévérer dans l’erreur. On n’aime pas avoir un ami cruel, inhumain. Je n’aime pas voir une personne se proclamant du Christianisme faire le contraire de ce que le Christianisme l’oblige à faire, pas plus que je n’aime ça pour un musulman. Je ne m’inquiète pas du sort de la Palestine; Israël n’est qu’une parenthèse. Je m’inquiète du sort des Chrétiens. Et mon inquiétude est sincère. Elle est généreuse, de cette générosité à la fois chrétienne et musulmane qui veut que l’on veuille le meilleur pour les autres. Que ces Catholiques qui se réjouissent des attaques du Pape ou de certains autres Chrétiens contre l’Islam se calment: cela n’est pas une victoire pour eux; c’est même le sceau de leur défaite. Car ces attaques ne viennent pas de véritables chrétiens — et je le dis en répétant mon respect pour le Pape en tant que chef des Catholiques. Non, elles viennent de ce qu’il y a de moderne chez les Chrétiens. Se tromper d’ennemi: voilà la pire chose qui puisse arriver en guerre. Car se tromper d’ennemi veut dire une seule chose: attaquer ses amis. L’Islam ne sortira que vainqueur d’une attaque qui lui est adressée par le monde moderne. Car de plus en plus de gens voient aujourd’hui l’aberration du monde moderne. S’aligner avec les puissants de ce monde: voilà la pire chose qu’un Chrétien puisse faire. Car le monde est majoritairement fait de gens faibles, et que c’est ces faibles aux yeux des gens qui finiront par avoir le dernier mot. Péguy disait que les croisades se passent désormais “chez nous”, dans le monde chrétien. Que les Chrétiens prennent acte de cela et ne se trompent pas d’ennemi! Le Christianisme est de plus en plus identifié avec l’Occident. Il revient aux Chrétiens de corriger cela.
La république veut que l’on soit transparents pour être bons citoyens. Nous, nous disons: “soyez bons Catholiques et vous serez bons Français”. Ne devenez pas comme nous, et ne devenons pas comme vous, mais soyez ce que vous êtes censés être, et vous serez comme nous et nous serons comme vous. Nous serons semblables avec nos différences, grâce à nos différences. A l’heure où la possibilité même que Dieu existe est persécutée jusque dans les manuels scolaires, c’est une bêtise colossale que de s’attaquer à la manière dont certains conçoivent Dieu, que ce soit au nom du Christianisme ou de l’Islam. Il ne faut pas que les Chrétiens se trompent là-dessus. C’est une erreur qui leur coutera cher, très cher. Soutenir Israël, même l’attaquer avec modération, sera de plus en plus perçu comme une lâcheté par le monde. Et le monde n’est pas seulement occidental. Plus les Chrétiens occidentaux soutiennent l’Occident, plus les chrétiens du monde se sentiront délaissés. Car eux ne voient pas les choses de cet oeil. Eux partagent, à des degrés différents, le sort des Palestiniens. Les Palestiniens sont un cas extrême représentant tous les opprimés de ce monde moderne. Que les Chrétiens d’Occident ouvrent donc les yeux et retrouvent ce statut originel du Christianisme, qu’est le statut d’opprimé.
Amitiés, et bon courage pour la suite.
A. Oussama
Tunisie
samedi 23 mai 2009
Saint Jean de la Croix - La Nuit obscure.
Je suis vivant sans vivre en moi
et si puissant est mon désir
que je meurs de ne pas mourir.
En moi je ne vis plus déjà
et sans Dieu vivre je ne puis
car sans lui et sans moi je suis
quel sens aura cette vie là
mille morts pour moi deviendra
car vivre même est mon désir
en mourant de ne pas mourir.
(...)
Si je me réjouis Seigneur
de l'espérance de ta vue
rien qu'à t'imaginer perdu
je sens redoubler ma douleur
vivant en si grande frayeur
désirant de tout mon désir
je me meurs de ne pas mourir.
Arrache-moi à cette mort
oh mon Dieu et fais que je vive
ne me tiens pas ainsi captive
de ce lacet serré si fort
pour te voir quel cruel effort
et si total est mon pâtir
que je meurs de ne pas mourir
(...)
Saint Jean de la Croix - La Nuit obscure,
Gallimard ed 1997 (extraits)
samedi 9 mai 2009
Le pape en Jordanie
Le pape, qui avait choqué de nombreux musulmans par son discours de Ratisbonne en 2006, a pris la parole devant des dirigeants religieux et le corps diplomatique rassemblés dans cette construction moderne de la capitale jordanienne, pour souligner ce qui pouvait rassembler les fidèles des deux religions.
"Je crois fermement que les chrétiens et les musulmans peuvent se retrouver, notamment par leurs contributions respectives à l'enseignement et au savoir, au service de tous", a dit Benoît XVI.
S'adressant au pape, le prince Ghazi ibn Mouhammad ibn Talal, cousin du roi Abdallah de Jordanie, a rappelé combien les musulmans à travers le monde s'étaient sentis "offensés" en 2006 par le discours de Benoît XVI, qui avait cité les propos d'un empereur de Byzance prêtant à la foi islamique un caractère violent et irrationnel.
Le prince Ghazi a ajouté que le monde islamique avait ensuite "apprécié" les éclaircissements apportés par le chef de l'Eglise catholique.
Promoteur du dialogue entre islam et christianisme, le prince a remercié le pape pour "ses gestes d'amitié et ses bonnes actions envers les musulmans" depuis lors.
"DIEU CLEMENT ET MISERICORDIEUX"
En octobre 2007, à l'initiative du prince Ghazi, 138 personnalités du monde islamique avaient adressé une lettre au pape en faveur du dialogue, après les remous provoqués par le discours de Ratisbonne. Cette lettre était intitulée "A Common Word between Us and You" (Une parole commune entre nous et vous".
L'initiative de la "Parole commune" pose pour principe que le christianisme et l'islam partagent les mêmes valeurs d'amour de Dieu et d'amour du prochain.
L'impact du discours prononcé il y a près de trois ans par le pape dans la ville bavaroise a été durable et plusieurs islamistes jordaniens avaient réclamé l'annulation de sa visite.
Le porte-parole du Vatican, le père Federico Lombardi, a précisé que le souverain pontife ne s'était pas déchaussé samedi pour entrer dans la mosquée du roi Hussein - contrairement à ce qu'il avait fait lors de sa première visite dans un lieu de prière musulman en 2006 à Istanbul, en Turquie - car ses hôtes ne le lui avaient pas demandé.
Il s'est simplement arrêté quelques instants "pour un moment de respect et de réflexion", a-t-il dit.
Les franges conservatrices de l'Eglise catholique avaient été troublées en 2006 de voir le pape prier avec un imam turc, tourné vers La Mecque.
Dans son allocution samedi à la mosquée, Benoît XVI a évoqué le "Dieu clément et miséricordieux", reprenant une formule traditionnelle utilisée par les musulmans.
"EVITER LES MANIPULATIONS POLITIQUES"
Tout en reconnaissant une longue histoire de tensions et de divisions entre les deux principales religions de la planète, il a mis en garde les fidèles contre "la manipulation de la religion, parfois à des fins politiques", susceptible de jouer un rôle de "catalyseur" et de conduire à la violence.
Certains dignitaires musulmans présents auraient toutefois souhaité que le pape aille plus loin dans ses propos de réconciliation.
L'un d'eux, Ibrahim Kalin, porte-parole de "A Common Word", a estimé que les déclarations du pape ne pouvaient effacer le souvenir du discours de Ratisbonne mais il s'est réjoui d'entendre Benoît XVI rappeler que chrétiens et musulmans vénéraient le même Dieu.
Le cheikh Hamza Mansour, lui, a déploré que Benoît XVI n'ait pas "adressé aux musulmans un message disant son respect de l'islam et de ses symboles".
Samedi matin, le pape s'était rendu sur le mont Nébo, où Moïse, selon l'Ancien Testament, aperçut la Terre promise avant de mourir.
Du sommet, le pape a pu contempler, à l'instar du prophète biblique, le Jourdain jusqu'à Jéricho et les collines de Jérusalem, avec sur sa gauche, la mer Morte perdue dans la brume.
Le voyage d'une semaine de Benoît XVI au Proche-Orient, présenté comme un pèlerinage en Terre sainte, a une valeur éminemment politique, dans l'objectif d'équilibrer les relations du Vatican avec les juifs et les arabes et de redorer l'image de l'Eglise catholique auprès des musulmans.
A Madaba, une ville proche du mont Nébo, Benoît XVI a posé la première pierre d'une université catholique construite avec l'aide de l'Etat jordanien.
"La foi en Dieu ne supprime pas la vérité", a-t-il dit, "au contraire, elle l'encourage." "La religion est défigurée lorsqu'elle est mise au service de l'ignorance et des préjugés, du mépris, de la violence et des abus", a ajouté l'ancien professeur en théologie. La Jordanie compte 2% de chrétiens.
Le pape doit séjourner jusqu'à lundi en Jordanie, avant de se rendre en Israël et dans les territoires palestiniens.
Version française Jean-Stéphane Brosse et Guy Kerivel
Droite et gauche ont un vote identique dans 97% des cas, selon une étude de l'Observatoire de l'Europe
Lettre au Docteur Barth
Très cher Docteur Barth, |
avec une légère adaptation.
vendredi 8 mai 2009
Obama et Blair. Le messianisme réinterprété.
Les électeurs qui ont conduit Barack Obama à la présidence n’ont pas perçu la faiblesse et l’ambiguïté des déclarations faites par leur candidat à propos de ce point décisif. Plus encore, une fois élu, une des premières mesures du Président Obama a été de révoquer les dispositions prises par le Président Bush pour protéger le droit à la vie de l’être humain non né.
Le Président Obama réintroduit ainsi le droit à discriminer, à "mettre à part" certains êtres humains. Avec lui, le droit de tout individu humain à la vie et à la liberté n’est plus reconnu ni moins encore protégé. Le Président Obama conteste, par conséquent, l’argumentation qui a été invoquée par ses propres frères de race au moment où ils revendiquaient, à juste titre, que fût reconnu le droit de tous à la même dignité, à l’égalité et à la liberté. Dans sa variante prénatale, le racisme vient d’être restauré aux États-Unis.
Le nouveau président entraîne ainsi le droit dans un processus de régression qui altère la qualité démocratique de la société qui l’a élu. De fait, une société qui se dit démocratique, dans laquelle les gouvernants, invoquant de "nouveaux droits" subjectifs, permettent l’élimination de certaines catégories d’êtres humains, est une société qui est déjà engagée de plain-pied sur la route du totalitarisme. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, 46 millions d’avortements sont réalisés chaque année dans le monde. En révoquant des dispositions juridiques protégeant la vie, M. Obama va allonger la liste funèbre des victimes de lois criminelles. Le chemin est ouvert pour que l’avortement devienne légalement exigible. Le droit lui-même pourra être précipité dans l'indignité lorsqu'il sera instrumentalisé et pressé de légaliser n'importe quoi, et mis, par exemple, au service d’un programme d’élimination d’innocents. A partir de là, la réalité de l'être humain n'a plus d'importance en soi.
La conséquence évidente du changement décidé par M. Obama est que le nombre d’avortements va augmenter dans le monde. Le Président Bush avait coupé les subventions destinées à des programmes comportant l’avortement, en particulier à l’extérieur des États-Unis. La révocation de cette mesure par la nouvelle administration limite le droit du personnel médical à l’objection de conscience et permet à M. Obama d’augmenter les subsides affectés à des organisations publiques et privées, nationales et internationales, qui développent des programmes de contrôle de la natalité, de "maternité sans risque", de "santé reproductive" incluant l’avortement parmi les méthodes contraceptives qu’ils promeuvent.
Le Président Obama apparaîtra donc inévitablement comme un des principaux responsables du vieillissement de la population des États-Unis et des nations "bénéficiaires" de programmes de contrôle de la natalité présentés comme condition préalable au développement. Comment un leader politique bien informé peut-il ignorer qu’une société qui avorte ses enfants est une société qui avorte son avenir?
La mesure prise par Barack Obama est destinée à avoir des répercussions au plan mondial. Le "messianisme" nord-américain traditionnel se flattait d’offrir au monde le meilleur modèle de démocratie. Avec la permission de tuer légalement des innocents, cette prétention est en train de sombrer. En son lieu et place émerge un "messianisme" qui annonce l’extinction des principes moraux apparaissant dans la Déclaration d’Indépendance (1776) et dans la Constitution des États-Unis (1787). Dorénavant est rejetée la référence au Créateur. Aucune réalité humaine ne s'impose plus en vertu de sa dignité intrinsèque. Prévaut désormais la volonté présidentielle. Selon ses propres paroles, le président ne devra plus se référer à des traditions morales et religieuses de l’humanité. Sa volonté est source de loi. A propos, qu’en pense le Congrès américain?
Or dès lors que le poids des États-Unis est celui qui pèse le plus dans les relations internationales, bilatérales et multilatérales, et spécialement dans le cadre de l’ONU, on peut prévoir que tôt ou tard, l’avortement sera présenté à l’ONU comme un "nouveau droit humain", un droit permettant d’exiger l’avortement. Il s’ensuivra qu’il n’y aura plus de place, en droit, pour l’objection de conscience. Ce même processus permettra au président de manifester sa volonté d’inclure dans la liste d’autres "nouveaux droits" subjectifs, comme l’euthanasie, l’homosexualité, la répudiation, la drogue, etc.
Refaire les religions? Refaire le christianisme?
Dans ces programmes, le Président Obama pourra compter sur l’appui du couple Tony Blair et Cherie Booth. Le think-tank fondé par l’ex-premier ministre britannique sous le nom de Tony Blair Faith Foundation aura, parmi ses attributions, de reconstruire les grandes religions comme son collègue Barack Obama reconstruira la société mondiale. Dans ce but, la fondation en question devra répandre les "nouveaux droits", en utilisant à cette fin les religions du monde et en adaptant celles-ci à leurs nouvelles tâches. Ces religions devront être réduites au même commun dénominateur, c’est-à-dire vidées de leur identité. Cela ne pourra se faire que moyennant l’instauration d’un droit international inspiré de Hans Kelsen (1881-1973) et appelé à valider tous les droits propres aux nations souveraines. Ce droit devra aussi s’imposer aux religions du monde de telle façon que la "foi" nouvelle soit le principe unificateur de la société mondiale. Cette "foi" nouvelle, ce principe unificateur, devra permettre de faire avancer les Millenium Development Goals. Parmi ceux-ci figurent sous le n° 3: "Promote gender equality and empower women"; sous le n° 5: "Improve maternal health". Nous savons ce que recouvrent et ce qu’impliquent ces expressions. Pour faire démarrer le programme de la Foundation, une campagne anti-malaria est annoncée. Elle fait partie de l’objectif n° 6: "Combat HIV/AIDS, malaria and other diseases". Cette annonce est faite de façon à ce que, en souscrivant à cette campagne, on souscrive à l’ensemble des objectifs du Millénaire.
En fait, le projet de Tony Blair prolonge et amplifie l'Initiative des Religions Unies, apparue il y a plusieurs années. Il prolonge également la Déclaration pour une éthique planétaire, dont Hans Küng est l’un des principaux inspirateurs. Ce plan ne pourra se réaliser qu'au prix du sacrifice de la liberté religieuse, de l'imposition d'une lecture "politiquement correcte" des Écritures et du sabotage des fondements naturels du droit. Déjà Machiavel recommandait l'utilisation de la religion à des fins politiques…
La "conversion" très médiatisée de l’ancien premier ministre au catholicisme ainsi que son interview en avril 2009 à la revue gay "Attitude" permettent d’encore mieux comprendre les intentions de Tony Blair concernant les religions, à commencer par la religion catholique. Le discours du Saint-Père, notamment sur le préservatif, serait d’une autre génération. Le récent "converti" n’hésite pas à expliquer au pape non seulement ce que celui-ci doit dire, mais aussi ce qu’il doit croire ! Est-il catholique? Mr Blair ne croit pas à l’autorité du pape.
Nous voici revenus au temps de Hobbes, sinon à Cromwell: c’est le pouvoir civil qui définit ce qu’il faut croire. La religion est vidée de son contenu propre, de sa doctrine; n’en reste qu’un résidu de morale, défini par le Léviathan. On ne dit pas qu’il faille nier Dieu, mais dorénavant Dieu n’a plus rien à faire dans l’histoire des hommes et de leurs droits: nous revenons au déisme. Dieu est remplacé par le Léviathan. A celui-ci de définir, s’il le veut, une religion civile. A lui d’interpréter, s’il le veut et comme il le veut, les textes religieux. La question de la vérité de la religion n’a plus de pertinence. Les textes religieux, et en particulier bibliques, doivent être compris dans leur sens purement "métaphorique"; c’est ce que recommande Hobbes (III, XXXVI). A la limite, seul le Léviathan peut interpréter les Écritures. Il faut en outre réformer les institutions religieuses pour les adapter au changement. Il faut même prendre en otages quelques personnalités religieuses, appelées à cautionner la nouvelle "foi" sécularisée, celle du "civil partnership".
Les droits de l’homme tels qu’ils sont conçus dans la tradition réaliste sont passés ici au fil de rasoir. Tout est relatif. Il ne reste de droits que ceux définis par le Léviathan. Comme l’écrit Hobbes, "La loi de nature et la loi civile se contiennent l’une l’autre, et sont d’égale étendue." (I, XXVI, 4). Il ne reste de vérité que celle énoncée par le même Léviathan. Seul celui-ci décide comment le changement doit être conduit.
Le retour de l’aigle à deux têtes
Le projet Blair ne peut se réaliser sans remettre en question la distinction et les rapports entre l'Église et l'État. Ce projet risque de nous faire régresser à une époque où le pouvoir politique s'attribuait la mission de promouvoir une confession religieuse ou d’en changer. Dans le cas de la Tony Blair Faith Foundation, il s'agirait même de promouvoir une et une seule confession religieuse, qu'un pouvoir politique universel, global, imposerait à l'ensemble du monde. Rappelons que le projet Blair, imprégné de New Age, a été préparé idéologiquement par l'Initiative pour les Religions Unies ainsi que par la Déclaration pour une éthique planétaire (déjà citées) et est appuyé par de nombreuses fondations similaires.
Ce projet rappelle évidemment l'histoire de l'anglicanisme et de sa fondation par le "défenseur de la foi", Henri VIII. Le projet des religions unies et réduites à un commun dénominateur est toutefois plus discutable encore que ne l'était le projet d'Henri VIII. En effet, la réalisation de ce projet postule la mise sur pied d'un gouvernement mondial et d’une police globale des idées. Ainsi qu'on l'a vu à propos de Barack Obama, les artisans de la gouvernance mondiale s'appliquent à imposer un système de positivisme juridique faisant procéder le droit de la volonté suprême, de laquelle dépend la validation des droits particuliers. Désormais, si toutefois devait se réaliser le projet de M. Blair, les agents de la gouvernance mondiale imposeront, par un nouvel Acte de Suprématie, une religion unique, validée par les interprètes de la volonté suprême, dont le Vicaire général est peut-être déjà trouvé (Hobbes, III, XXXVI).
Ce que révèle l'analyse des décisions de Barack Obama et du projet de Tony Blair, c'est que se profile une Alliance de deux volontés convergentes, visant, l'une, à subjuguer le droit, l'autre, à subjuguer la religion. Telle est la nouvelle version de l’aigle à deux têtes. Droit et religion sont instrumentalisés pour "légitimer" n'importe quoi.
Cette double instrumentalisation est mortelle pour la communauté humaine. C'est ce qui ressort de diverses expériences réalisées dans le cadre de l'État-Providence. Celui-ci, à force de vouloir plaire aux individus, a multiplié les "droits" subjectifs de complaisance, par exemple en matière de divorce, de sexualité, de familles, de population, etc. Mais ce faisant, cet État-Providence a créé d'innombrables problèmes qu'il est incapable de résoudre. Avec l'extension de ces "droits" de complaisance à l'échelle mondiale, les problèmes de précarisation/marginalisation vont se multiplier à tel point qu'aucune gouvernance mondiale ne pourra les résoudre.
De même pour la religion. Depuis qu'est acquise la séparation de l'Église et de l'État, il est inadmissible que l'État se serve de la religion pour renforcer son emprise sur les cœurs, les corps et les consciences. Comme le dit Mgr Roland Minnerath, l'État ne peut pas enchaîner la vérité religieuse et doit même en garantir la libre recherche.
Vers un terrorisme politico-juridique
Par ces canaux, et avec l’appui du couple Blair, le juriste-président Obama est en train de lancer un nouveau messianisme nord-américain, totalement sécularisé. Il bénéficie en cela de l'appui de son fidèle partenaire, candidat présumé à la présidence de l'Union Européenne. La volonté suprême du Président des USA validera le droit des nations et le droit des relations entre les nations. Dans la foulée, les "Trente-Neuf Articles" de la nouvelle religion devront être promulgués par son collègue britannique.
A partir du sommet de cette pyramide, la volonté du Prince est destinée à circuler par les canaux internationaux de l’ONU et à atteindre les canaux nationaux particuliers. A terme, ce processus, comme on le remarque, éteint l’autorité des parlements nationaux, abolit l’autorité des exécutifs et ruine l’indépendance du pouvoir judiciaire. C’est pour ces raisons que, dans la logique de M. Obama, le rôle d'un tribunal pénal international est appelé à s’étendre et qu’il doit être armé pour réprimer les récalcitrants – par exemple, les catholiques – qui refusent cette vision du pouvoir et du droit, d'un droit vassalisé par le pouvoir. Comment ne pas voir cette vérité aveuglante: nous assistons à l’émergence d’un terrorisme politico-juridique sans précédent dans l’histoire?
Pour finir, empressons-nous de rappeler que l’Église n’a pas le monopole du respect du droit humain à la vie. Ce respect est proclamé par les plus grandes traditions morales et religieuses de l’humanité, souvent antérieures au christianisme. L’Église reconnaît pleinement la valeur des arguments fournis par la raison en faveur de la vie humaine. Comme Mgr Minnerath l’a admirablement montré, l’Église complète et consolide cette argumentation en se prévalant de l’apport de la théologie: respect de la création; l’homme, image de Dieu; amour du prochain: nouveau commandement; etc. Ces arguments sont fréquemment exposés dans les déclarations de l’Église et les nombreux documents chrétiens sur la question.
Mais quand les plus hautes autorités des nations, et même de la première puissance mondiale, vacillent face au respect du droit humain fondamental, c’est un devoir pour l’Église d’appeler tous les hommes et toutes les femmes de bonne volonté à s’unir afin de constituer un front unique pour défendre la vie de tout être humain. La première attitude qui s’impose à tous, selon les responsabilités de chacun, est l’objection de conscience, que d’ailleurs M. Obama veut circonscrire. Mais cette objection doit être complétée par un engagement à agir dans la sphère politique, dans les médias et dans les universités. La mobilisation doit être générale et se donner pour but l’objectif central de toute morale, et spécialement de toute la morale catholique: reconnaître et aimer le prochain, à commencer par le prochain le plus ténu et le plus vulnérable.